Abstract

Dire " l'enfer c'est les autres ", c'est désigner ce qui limite la relation à autrui, or la liberté sartrienne ne réside-t-elle pas dans la négation des limites? Avec Sartre et Lévinas, l'auteur de cet ouvrage veut démontrer que la tentation de la violence s'impose à nous mais se dépasse dans une relation à autrui avec honte là où l'être heideggerien ne suscite pas de honte et ne s'encombre pas longtemps d'autrui. Pour entendre jusqu'au bout la honte, Lévinas, après avoir décrit dans Totalité et Infini une sensibilité définie par la jouissance d'un ego, dit une ouverture à l'autre comme l'événement de la sensibilité et revient à une origine biblique du sensé avec Autrement qu'être. " Tendre la joue à celui qui frappe et être rassasié de honte " permet de remonter de la honte à la persécution - le persécuté endossant la responsabilité du persécuteur - et ainsi au psychisme comme maternité. Le psychisme comme corps maternel, modalité d'un être noué aux autres avant d'être noué à son corps, est approché ici avec Lévinas par l'emphase de figures bibliques avec les matriarches, la circoncision, la ligature d'Isaac, le déboîtement de Jacob, la sortie d'Egypte. Avec chacune de ces figures bibliques on entend le rattrapage d'une maternité manquée. La lecture talmudique, elle, donnera, une leçon de laïcité à une ontologie nourrie de mystères religieux. Oublier le laïc, l'athée, le briseur d'idoles, c'est occulter la sensibilité interprétée comme jouissance du quotidien et prétendre à une excellence éthique. Oubli aux effets pervers! Un état comateux peut passer pour sainteté, ma responsabilité de persécuté peut être formalisée en morale pour tous. Or l'éthique ne peut se dire qu'à la première personne et l'exiger des autres, c'est prêcher le sacrifice humain! Aussi, pour une paix morale, il faut revenir d'un tourbillon de la persécution vers des eaux plus calmes avec la philosophie, la justice et le politique, sans quitter une plongée en profondeur dans la relation intersubjective.