Abstract
L’opéra est un art né sous l’égide de deux idéaux concurrents : l’idéal de la musique grecque et l’idéal de la tragédie grecque. Cette ambiguïté originelle conduit à de fréquents conflits de normes sur le plan théorique, artistique et esthétique. Ce n’est pas la même chose de mettre en scène une œuvre musicale n’ayant qu’une relation analogique au livret représenté sur scène, et de mettre en scène une œuvre pleinement fictionnelle et théâtrale. Les critères d’évaluation d’une bonne interprétation vocale sont eux-mêmes conflictuels : faut-il privilégier des critères strictement musicaux, ou des défauts musicaux sont-ils admis au nom de l’interprétation théâtrale? L’expérience esthétique de l’opéra est sans cesse sur le fil d’une hiérarchie indécise entre le registre visuel et le registre sonore. Sur un plan plus théorique se pose le problème du statut du chant opératique : fait-il partie du médium musical, ou a-t-il un statut fictionnel?