Abstract

Nous essayons d'éclaircir quelques principes fondamentaux de la grammaire transformationelle de Chomsky à partir de Derrida et de Lacan. Nous tâchons d'approfondir deux problèmes : le premier concerne la portée de ceci que la possibilité de la déviation est donnée comme inhérente à l'institution même de la règle grammaticale; le second a trait au statut et au contenu du tiers sujet en tant que fondement de la structure intersubjective du langage. Primo : Selon Chomsky, une grammaire idéale doit être capable de générer toutes les phrases — et rien que les phrases — bien formées à partir d'un nombre fini de règles. Une grammaire idéale et cohérente ne peut traiter les déviations que comme des possibilités purement accidentelles : une déviation n'aurait pas dû y être; elle n'aurait même pas pu y être. Bref, le risque d'un échec n'est pas interrogé comme prédicat essentiel de la grammaire. À en croire Derrida, on devrait regarder les conséquences qui découlent du fait qu'un risque possible est toujours possible. Comme les déviations présupposent une règle, chaque règle présuppose le risque d'un échec. La possibilité d'un échec est la condition nécessaire d'une règle grammaticale. Mais il s'agit d'une condition très spécifique, puisqu'elle rend impossible cela même qu'elle rend possible. Ni la grammaire, ni la déviation ne sont originaires, mais bien la différance entre les deux, ce qui veut dire qu'à l'origine de la production du sens il n'y a pas une grammaire idéale. Nous avons élaboré cette remarque de Derrida à partir d'une analyse de la métaphore, précisément parce que celle-ci ne peut être intégrée dans un système grammatical préalable. Secundo : la présence implicite d'un sujet compétent chez Chomsky doit expliquer pourquoi le sens ne dépend pas de l'arbitraire d'un sujet empirique. Chaque parole présuppose un Tiers, un Autre qui transcende les positions de destinateur et de destinataire. Mais, pour Chomsky, il s'agit d'un sujet idéal capable de déterminer a priori le sens invariable des lexemes auquel doivent se tenir les différents sujets. Le sujet compétent correspond à la nature universelle et rationelle de l'homme. Pour Lacan toutefois, ce Tiers — l'Autre — n'est pas un sujet universel mais bien un sujet marqué par un manque : cet Autre — sujet à manque et dès lors pas absolu — ne peut plus fixer a priori le sens d'un signifiant. Les différents effet de sens d'un signifiant ne peuvent plus être reuni dans une signification commune que l'Autre pourrait déterminer a priori. Nous démontrons comment l'intersubjectivité doit être comprise dans la perspective lacanienne