Abstract
Tout ce qui n’est pas reconnu par le droit comme norme juridique est traité par lui comme un fait—normes sociales, connaissances scientifiques, mœurs, événements, etc. Le droit, système autoréférentiel, institue les compétences et les procédures par lesquelles une assertion quelconque, portant sur des faits, devient une norme juridique. Le présent texte analyse les différents lieux de passage par lesquels des faits peuvent ainsi être reconnus par le droit comme normes juridiques. Il analyse d’abord la réception et la construction des faits à considérer comme pertinents au regard de la norme applicable. Il introduit ensuite le concept de notions juridiques indéterminées, dont le sens ne peut être concrétisé que par référence à des faits de toute nature, ce qui requiert une argumentation propre à justifier cette référence. Les faits sont donc construits avant qu’une autorité instituée par le droit décide de leur donner la forme abstraite d’une norme juridique. Cette construction va être structurée comme un récit, dont la cohérence doit être assurée par référence à des schémas tirés de l’expérience sociale, de telle manière qu’elle puisse être acceptée comme raisonnable par la collectivité. Le juge comme le législateur apparaissent alors sous la double face d’une fonction juridique et d’un individu plongé dans la société, ce qui les met en mesure faire du droit avec des faits en les comprenant l’un et les autres.