Abstract
Le présent article se propose de reconstruire la dialectique entre nécessité et liberté dans l’œuvre de Rousseau – du Discours sur l’inégalité à La profession de foi – à partir de l’analyse de La Morale sensitive ou le Matérialisme du sage, «écrit fantôme» projeté durant le séjour à l’Ermitage du 1756. Dans cette oeuvre inachevée Jean-Jacques se proposait d’enquêter sur l’influence que les objets extérieurs ont nécessairement sur l’intériorité de l’être humain pour, ensuite, envisager une réforme de l’âme axée sur la possibilité de «forcer l’économie animale à favoriser l’ordre moral». On tentera de montrer ici comment le rêve intellectuel consistant à garantir la liberté morale par le biais de la nécessité physique a profondément influencé l’évolution de la dialectique rousseauiste entre nécessité et liberté, d’un niveau biologico-anthropologique à un niveau plus strictement philosophique. Le défi de Rousseau consiste à expliquer l’influence nécessaire du physique sur le moral, tout en sauvegardant – par la définition d’un dualisme spécifique – la liberté absolue de la dimension morale, ainsi que son caractère spécifique de qualité humaine.