Abstract
La pensée de Machiavel s'est-elle restreinte à propager la substitution du pouvoir à la raison, tout en déclarant la fin de la philosophie politique classique ? Une rupture aussi radicale dans l'histoire de la philosophie semble difficilement acceptable : aussi une lecture de Machiavel ne peut exclure une dialectique de la raison et du pouvoir. En effet, c'est bien la raison moderne qui engage à instaurer un nouveau pouvoir. Elle s'érige en puissance organisatrice de la réalité toute entière, de sorte que l'appareil politique se concevra rationnellement comme un pouvoir républicain, partagé par les gouvernants et les gouvernés. Les stratégies de la domination seront limitées, parce que dictées par les lois incontournables qui régissent la réalité politique moderne, et par là soumises à une nouvelle rationalité objective. Quant à la politique en tant que phénomène de représentation, elle n'est pas une réalité illusoire mais une réalité dominée par les mêmes lois qui régissent l'exécution du pouvoir. La réalité politique moderne se présente dès lors comme dominée par le partage du pouvoir, évoquant ainsi l'idéal d'une société régie par une constitution et des lois qui délimitent le pouvoir de chacun. Il n'y a point de doute que cette doctrine constituait l'idéal du Machiavel historique, à l'opposé de l'idéologie dite „machiavélique”