Abstract
Une interprétation éprouvée de la philosophie moderne – défendue de façons diverses par Martin Heidegger, Hans Blumenberg, Jürgen Habermas ou encore la tradition herméneutique – voit la marque distinctive de la modernité dans l’émergence d’une conception de l’homme comme sujet autonome de pensée, d’action et de droits. Cette étude cherche à contester cette évidence historiographique, en montrant que les trois moments les plus communément invoqués dans les généalogies modernes de la subjectivité ont en réalité été des tentatives de déconstruction radicales de cette idée d’un sujet comme fondement : dans la critique réformée du libre-arbitre d’abord, dans la tradition cartésienne ensuite, et dans les débats internes à l’idéalisme allemand enfin. Cette lecture permet également d’expliquer pourquoi des approches antisubjectives de la philosophie ont pu se réclamer de la tradition de la philosophie européenne.La triple mort du sujet moderneThe classical interpretation of modern philosophy sees the distinctive mark of modernity in the conception of man as an autonomous subject of thought, action and rights – a feature common to the interpretations of Martin Heidegger, Hans Blumenberg, Jürgen Habermas or in the hermeneutical tradition. This study challenges this historical evidence, by showing that the three moments most commonly highlighted in the modern genealogies of subjectivity were actually attempts of a radical deconstruction of the very notion of an all-sustaining subject : first in the reformed criticism of freewill, second in the Cartesian tradition, and third in the internal debates with German idealism. Such a reading also allows us to understand why anti-subjective approaches of philosophy could actually claim the heritage of a much older European philosophical tradition