Abstract
À quoi se réfère véritablement l’esprit dont nous a tant entretenus Hegel dans ses écrits? C’est ce que précise Hegel. Les Actes de l’esprit de Bernard Bourgeois. À une époque où on a appris à considérer l’esprit célébré par la philosophie hégélienne comme la négation de la nature, mais sans trop savoir ce que cela signifie concrètement pour Hegel, on peut dire que cet ouvrage répond à un besoin pressant. De plus, on ne pouvait trouver meilleur guide pour jeter un peu de lumière sur cette ombre qui obscurcit la richesse de l’esprit hégélien que celui qui, en 1988 et chez le même éditeur, a magistralement traduit et annoté le livre qui témoigne le mieux du concept d’esprit chez Hegel, entendons la Philosophie de l’Esprit de l’Encyclopédie des sciences philosophiques. Mais on ne doit pas s’y tromper. Le volume recensé ici n’est pas un commentaire littéral de la portion de l’Encyclopédie hégélienne qui traite de l’esprit. Majoritairement composé de textes déjà publiés par Bourgeois — vingt-deux textes, dont sept inédits —, il se dévoile plutôt comme une méditation qui éclaire ce qui se joue en vérité dans cette dernière, c’est-à-dire comme un recueil qui nous aide à comprendre comment l’esprit, aux yeux du penseur allemand, parvient vraiment à se faire absolu. On nous achemine vers cette conclusion sur l’orientation de l’ouvrage dans l’avant-propos: «l’esprit n’est véritablement esprit que dans la mesure où il est au moins ce que Hegel appelle l’“esprit objectif”, l’esprit qui est devenu objet pour luimême comme esprit». Les répercussions de cette mise au point sont décisives en ce qui concerne le contenu hégélien couvert par Bourgeois: «C’est, par conséquent, essentiellement de l’esprit objectif et de l’esprit absolu qu’il sera question dans le présent recueil». Or, pour bien rappeler au lecteur que le concept d’esprit chez Hegel s’insère, avant tout, dans une philosophie de l’absolu, l’auteur a la délicatesse de réserver l’introduction de son ouvrage à un éclaircissement de la notion d’«esprit subjectif» figurant dans l’Encyclopédie, à savoir le moment qui précède immédiatement ceux sur lesquels se concentre le recueil. Cette attention ne permet pas seulement à un ouvrage qui affirme privilégier le contenu de deux des trois grandes divisions de la Philosophie de l’esprit de les aborder finalement toutes; elle permet surtout de souligner que, pour Hegel, le devenir vrai de l’esprit ne se manifeste que dans une structure conceptuelle où rien n’est mis à l’écart. Nous allons maintenant expliquer brièvement la teneur des grandes parties de cette publication de Bourgeois en faisant ressortir ce que nous avons trouvé de plus intéressant en chacune d’elles.