Abstract
Si «penser» est d’abord un acte, «repenser» l’est aussi. On ne peut «repenser» que ce qui fut déjà pensé une fois. Ce que «repenser» veut dire, nous ne le comprenons que si nous nous demandons au préalable ce que «penser» veut dire. Pour Heidegger, cela revient à se demander ce qui nous appelle à penser, pour Kant, c’est se demander comment on peut s’orienter dans la pensée, pour Nietzsche, ce qui nous pousse à penser, à quoi j’ajouterai la question, moins connue et plus déconcertante, d’Eugen Rosenstock-Huessy dans son essai sur la «pensée dative»: «Cui cogitatur?», «À qui nos pensées sont-elles destinées?»À quoi nos pensées sont-elles dédiées?, à qui sont-elles destinées?: c’est la tension féconde entre ces deux questions qui nous met sur la voie d’une réflexion sur le sens que le verbe «repenser» peut revêtir dans la bouche d’un philosophe. À la différence de ceux qui s’imaginent que «repenser» veut dire simplement distribuer un peu différemment les cartes du savoir, les vrais «repenseurs» ne cessent de se demander à quel jeu ils jouent quand il s’efforcent de penser philosophiquement et ils cherchent à avoir une conscience plus nette des enjeux de ces jeux de la pensée.