Chôra 15:611-628 (
2017)
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Abstract
Pendant l’ete de 1928 Heidegger a offert un seminaire sur le troisieme livre de la Physique d’Aristote et donc sur l’explication aristotelicienne de la nature du mouvement. La derniere seance de ce cours, qui eut lieu le 25 juillet, est d’une grande importance parce que c’est a cette occasion que Heidegger va au livre neuf de la Metaphysique pour essayer de comprendre la notion ontologique qui est a la base de l’interpretation aristotelicienne du mouvement : l’energeia. Mais dans les protocoles de ce seminaire qui se trouvent parmi les papiers de Heidegger et qui ont ete publies recemment dans le volume 83 de la Gesamtausgabe, la seance du 25 juillet se trouve absente. Ce fait a conduit l’editeur a conclure que le seminaire avait pris fin le 23 juillet, sans s’apercevoir donc que la conclusion du seminaire manquait. Il existe heureusement une transcription preservee parmi les papiers de l’etudiante de Heidegger, Helene Weiss, et accessible aujourd’hui dans les archives de l’universite de Stanford. Cette transcription montre que la derniere session eut bien lieu le 25 juillet et nous offre la lecture heideggerienne de Metaphysique IX qui ne se trouve pas dans la version de la Gesamtausgabe. C’est dans le contexte de cette lecture que Heidegger fait la declaration etonnante qui nous concerne ici : ≪Dans la derniere instance, la Metaphysique Θ revient a Platon ; la priorite de l’energeia est fondamentalement la meme chose que l’epekeina des Idees. ≫La première tâche que je me propose ici sera d’expliquer cette déclaration qui suggère une relation tres etroite, ou meme une identite, entre la notion aristotelicienne de l’energeia comme ayant une priorite vis‑a‑vis de la dunamis et la notion platonicienne de l’Idee du Bien comme etant epekeina de l’ousia. Pour cette explication je ferai appel non seulement au contexte du seminaire de 1928, mais aussi aux textes plus tardifs comme les Beitrage et les cours sur Nietzsche dans lesquels Heidegger semble presupposer et développer sa déclaration de 1928. Ma seconde tâche sera de comparer cette thèse heideggerienne a la tentative de Gadamer de surmonter l’opposition traditionnelle entre les ontologies de Platon et d’Aristote en faisant appel a l’idee du bien chez les deux. Cette tentative se trouve dans le texte Die Idee des Guten zwischen Plato und Aristoteles. La comparaison que j’entreprends ici va montrer certaines affinites entre les interpretations de l’Idee du Bien chez Heidegger et Gadamer, mais aussi de profondes differences qui vont determiner leurs differents projets philosophiques.