Abstract
L’idée d’un jugement [Urteil], et du pouvoir de juger [Vermögen zu urteilen], joue un rôle cardinal dans l’argumentation de la Critique de la raison pure. L’argument central de la première Critique vise à montrer comment les concepts purs de l’entendement peuvent s’appliquer aux objets qui nous sont donnés dans l’expérience. Cet argument dépend de l’idée que l’expérience n’est pas l’affaire de la sensibilité à elle seule, mais qu’elle implique, dès le début, le concours de l’entendement. Or, l’entendement n’est rien d’autre que la capacité de faire des jugements. Comme dit Kant, «nous pouvons ramener tous les actes de l’entendement à des jugements, de telle sorte que l’entendement peut être représenté en général comme un pouvoir de juger» (CRP, A69/B94).1 Cette identification est au coeur de la déduction métaphysique des catégories, où Kant affirme découvrir, suivant le fil conducteur offert par les formes logiques du jugement, les concept purs de l’entendement. Et elle réapparaît dans la déduction transcendantale, où il s’agit non pas d’établir la table des categories, mais de prouver que les catégories s’appliquent à l’expérience. Car si l’expérience exige le concours de l’entendement, et l’entendement est un pouvoir de juger, il s’ensuit que le divers de représentations données doit être...