Abstract
L’analyse comparative du Traité des principes de la connaissance humaine (1710) et des Trois dialogues entre Hylas et Philonous (1713), qui se présentent comme les deux phases successives de la première mise en forme doctrinale de l’immatérialisme, permet de formuler l’hypothèse suivante : le dialogisme que ne cesse de susciter le Traité semble spontanément conduire aux Dialogues, comme si Berkeley adoptait enfin la rhétorique adéquate à son projet philosophique. Or l’étude quantitative de la distribution de la parole dans les Dialogues montre au contraire qu’ils n’assument le dialogisme latent qui transparaissait dans le Traité que pour l’annuler : en réalité, le personnage de Philonous détient une écrasante maîtrise de la parole, qui lui permet de disposer de véritables pièces doctrinales, tandis qu’Hylas s’épuise en de multiples objections contradictoires. Le dialogisme n’est donc qu’un outil ponctuel de la réforme rhétorique du propos de Berkeley, destiné à susciter l’interlocuteur pour mieux le dissoudre.