Abstract
Plusieurs commentateurs – incluant certains théoriciens des droits des animaux – ont soutenu que les animaux non humains ne peuvent pas être considérés comme des membres du dèmos parce qu’il leur manque les capacités critiques d’autonomie et d’agentivité morale qui seraient essentielles à la citoyenneté. Nous soutenons que cette inquiétude est fondée sur des idées erronées à propos de la citoyenneté, d’une part, et à propos des animaux, d’autre part. La citoyenneté requiert la maîtrise de soi et la sensibilité aux normes partagées, mais ces capacités ne devraient pas être comprises en un sens indûment intellectualisé ou idéalisé. Des études récentes sur l’agentivité morale montrent que les relations civilisées entre les citoyens sont largement fondées, non pas dans la réflexion rationnelle et l’assentiment à des propositions morales, mais dans des comportements intuitifs, irréfléchis et habituels qui s’enracinent dans une gamme d’émotions prosociales (l’empathie, l’amour) et de dispositions prosociales (coopération, altruisme, réciprocité, résolution de conflits). Cinquante ans de recherches éthologiques ont démontré que plusieurs animaux sociaux – particulièrement les animaux domestiques – partagent le type de dispositions et de capacités rendant possible le civisme quotidien. Une fois que nous élargissons notre conception de la citoyenneté pour inclure une compréhension plus riche des bases des relations civiques, il devient évident que les animaux domestiques et les humains peuvent être les co-créateurs d’un monde moral et politique commun. Nous n’avons rien à craindre, et beaucoup à gagner, à les accueillir comme membres du dèmos.