Abstract
Philosophe méconnu parmi les siens, même si la publication en cours de son œuvre complète l’a replacé récemment sur le devant de la scène, Henri Maldiney est quasi inconnu dans le champ des études sémiotiques. Phénoménologue de l’existence, et non de la conscience, il reprend et réinterprète Husserl, Merleau-Ponty, avec une lecture critique des anciens grecs, de Hegel et d’Heidegger ; son cheminement est marqué par ses rencontres et son dialogue avec la psychiatrie existentiale, la Schicksalsanalyse de Szondi et la psychanalyse, aussi avec les artistes et poètes. Son regard sur la folie comme mode d’existence en échec de l’être humain nous conduit à une vision anthropologique fondée sur les notions de présence et d’existence, où la réflexion sur le corps et le langage occupe une place centrale. C’est ainsi que le rythme, tel qu’il est conçu par Maldiney est un radical existentiel qui couvre les dimensions corporelles, psychiques et sociales, indissociablement. La notion de rythme ouvre à une perception et à une compréhension nouvelles et originales de l’esthétique-esthésique dans l’esthétique-artistique. Le rythme, qui s’origine du sentir dans la rencontre avec le monde, est constitutif des formes se formant dans le mouvement qui génère l’espace-temps, dans une tension des opposés : la « Vie des formes » et le « Sens des sens ». La communication sensible avec l’œuvre d’art survient ainsi dans un moment pathique qui est ouverture à soi et au monde, en rupture avec les modes logiques et discursifs de la connaissance. Notre intention n’est pas ici de proposer un article encyclopédique sur le philosophe, à lire et à découvrir, non plus de passer en revue les notions qui articulent une pensée unitaire et globale mais le premier aperçu donné dans le paragraphe introductif fait entendre des échos avec la façon dont la sémiotique, notamment dans certains développements de la sémiotique dite de l’École de Paris, a négocié le virage phénoménologique en se recentrant sur les formes du sensible et le sujet percevant, faisant de la présence au monde une condition de la formation du sens, et dont la référence phénoménologique est, pour l’essentiel, l’œuvre de Merleau-Ponty. La désignation de « sémiotique de la présence » a été proposée par Jacques Fontanille, à côté de « sémiotique du monde sensible », nous la reprenons pour la commodité de la confrontation avec la phénoménologie de l’existence, centrée sur la présence au monde. Pour évoquer un croisement éventuel des deux approches, avant d’interroger ce qui les sépare épistémologiquement, nous nous intéresserons, pour introduire le philosophe, à la notion de pathique, en lien avec le couple de la relation d’agentivité : agir / subir, qui pourra faire signe aux sémioticiens. Nous suivrons de près la façon dont Maldiney appréhende cette notion tout en adoptant un point de vue plus personnel, de nature sémio-linguistique.