Editions Galilée (
1991)
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Abstract
Donner, est-ce possible? Dès lors qu'il engage dans le cercle de l'échange, le don semble s'annuler. Pour donner, il faudrait ne rien attendre en retour. Rien espérer, rien escompter de ce qui doit rester incalculable. Plus gravement encore, et avant même que rien ne s'inscrive dans une économie des signes ou des choses, il suffit peut-être qu'il y ait intention de donner, il suffit que le don apparaisse comme tel à la conscience ou que dans son sens il devienne présent pour disparaître et se perdre aussitôt en faisant retour : comme s'il était impossible de connaître par l'expérience ce que nous pensons et désirons sous le nom de don ; comme si même il était impossible de désirer le don ou de vouloir donner ; comme si le don était voué à l'irresponsabilité ; comme si, pour dire " il y a don ", il fallait renoncer au présent - et à dire : " le don est " ou " le don existe ". Renouant avec le fil d'analyses antérieures, Jacques Derrida tente ici de formaliser les conditions et les effets de cette aporie, à savoir l'incompatibilité apparente du don et du présent. La nécessité pour le don d'excéder le retour circulaire à son origine implique une interprétation du temps, qui fut souvent représenté comme un cercle. Avec la question du don et du présent, comme question de la répétition, il y va donc du temps : du temps de l'être, du temps du monde, du temps social, du temps de la conscience et de l'inconscient. A travers des lectures de Heidegger, de Mauss ou de Benveniste ; il s'agit ici de ressaisir la grande question du don à la racine commune de l'ontologie et de la sémantique, de l'anthropologie et de l'économie politique. Et de la littérature, : la seconde partie de ce premier volume est en effet consacrée à la lecture d'un bref récit de Baudelaire, La fausse monnaie, qui oriente en vérité tout l'ouvrage.