Cités 68 (4):33 (
2016)
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Abstract
Peut-on penser l’accueil des migrants, le droit d’asile ou plus généralement l’immigration comme un devoir ou un droit d’hospitalité ? On comprend intuitivement qu’il y a un lien, mais on peine à voir pourquoi mobiliser une idée aussi datée et à la connotation plus religieuse que politique pourrait nous être utile.
Cet article vise à comprendre le sens du retour manifeste à ce vocabulaire. Retour certes modeste, mais, nous le verrons, significatif. Car les apparitions historiques du concept d’hospitalité dans la sphère publique ne sont jamais anodines. Puiser ainsi dans l’imaginaire moral de l’humanité, c’est chercher à résoudre un problème suffisamment grave pour que les concepts classiques de la politique nous semblent insuffisants.
Ce problème, pour le dire brièvement, c’est celui d’une triple tension : tension entre l’ouverture et la fermeture des frontières, tension entre l’éthique et la politique de l’immigration, tension enfin entre l’accueil et l’intégration des étrangers. Or l’hospitalité a historiquement permis une articulation de ces tensions : elle offre une position relativement cohérente, où l’on rend possible l’ouverture contrôlée des frontières (par exemple, sous la forme de droit de passage), permise au nom d’une morale, généralement issue du droit naturel, mais limitée au seul accueil des étrangers – sous-entendu accueil temporaire, sans garantie de pouvoir rester, sauf à satisfaire aux critères potentiellement toujours plus exigeants de l’hôte, autrement dit un accueil sous forme d’une domination.
Cette articulation ne va donc pas sans poser problème aujourd’hui. Il est alors important de comprendre comment l’hospitalité s’est constituée comme grammaire critique des lois répressives contre les migrants, tout en pointant les difficultés à raviver ses caractéristiques anti-modernes.